PARIS 1874, inventer l’impressionnisme-Musée d’Orsay
Un contexte de crise
Chaque année, au Palais de l’Industrie et des Beaux-Arts, se tient le Salon, évènement
majeur de la vie culturelle où le public se presse en masse. C’est un moment essentiel
pour le succès et la carrière des artistes. Sous l’égide de la Direction des Beaux-Arts, le
jury qui sélectionne les œuvres exposées, est académique, traditionnel et monolithique.
En 1874, Paris se trouve dans un contexte de crise : traumatisme de la défaite de 1870, de
la violente guerre civile de la Commune en 1871, paysage urbain en profonde mutation.
Cela incite certains artistes à repenser leur art et à explorer de nouvelles directions :
scènes de la vie moderne, portraits de travailleurs, paysages aux tons clairs, un art en
prise avec la modernité.
L’exposition indépendante de 1874
Ces artistes n’ont quasiment aucune chance d’être sélectionnés pour le Salon. Monet,
Sisley, Renoir, Degas, Pissarro, Bazille inventent une peinture moderne. Aussi, car il faut
bien vendre pour vivre, l’idée émerge à la fin des années 1860 de créer une coopérative
pour organiser leur propre exposition, hors des contraintes du Salon. La guerre de 1870
les disperse et fauche le montpelliérain Bazille.
C’est en 1874 que leur projet d’exposition prend forme, encouragé par l’intérêt de
certains collectionneurs et du marchand Paul Durand-Ruel.
Degas trouve un emplacement idéal au 35 boulevard des Capucines, près du nouvel
opéra : l’ancien atelier du photographe Nadar. Le 15 avril 1874, l’exposition ouvre ses
portes : 31 exposants dont 2 femmes d’horizon divers qui ont surtout en commun une
même volonté d’exposer librement et de vendre leur travail. Les grands bourgeois Degas
ou Morisot côtoient l’anarchiste Pissarro et les communards Auguste Ottin et Lazar
Meyer. 40 ans séparent le doyen Adolphe-Félix Cals du cadet Léo-Paul Robert
Deux nouveautés : l’entrée est payante et l’exposition ouverte en nocturne (déjà !)
Plus de 200 œuvres sont présentées : des peintures, de nombreuses œuvres sur papier
dont des estampes et des sculptures.
Renoir – La loge
Cals – le vieux pêcheur
Morisot – le berceau
Ottin – Jeune fille tenant un vase
Degas – Classe de danse
Cezanne – nouvelle Olympia
De nombreuses eaux-fortes de Bracquemond et d’études de ciel de Boudin sont
également exposées.
Et bien sûr le tableau qui deviendra emblématique du mouvement
impressionniste
Tableau peint par Monet dans le port du Havre le 12
Novembre 1872. Le frère de Manet chargé du catalogue, demande à
Monet le titre de son tableau. Réponse de Monet : « On me
demande le titre de mon tableau ? ça ne peut vraiment pas passer
pour une vue du Havre… Mettez « Impression ». Le frère de Manet
rajoute « soleil levant »….
3500 visiteurs pour l’exposition en 15 jours et seulement quelques
ventes. La coopérative sera dissoute par la suite.
Monet – impression soleil levant
Le Salon de 1874
Il ouvre ses portes le 1er mai 1874.
Plusieurs milliers d’œuvres dont 2000 peintures sont accrochées bord à bord sur plusieurs
lignes en hauteur et par ordre alphabétique : sujets historiques, religieux ou
mythologiques, paysages, portraits léchés.
Très éloignés des tableaux de l’Exposition indépendante.
Breton – la falaise
Finalement, ce sera le très académique « L’éminence grise » de Jean-Léon Gérôme
qui sera élu.
Un salon, ni plus mauvais, ni meilleur que les années précédentes, qui accueillera tout de
même 300 000 visiteurs.
Mais l’exposition qui passera à la postérité, ce n’est pas le Salon…
Et ensuite…
« Impression soleil levant » passe quasiment inaperçu en 1874 mais son nom, avec
d’autres paysages de Monet, Sisley et Pissarro inspirera le mot « impressionnisme ».
Une 2ème exposition aura lieu en 1876.
La détermination et le financement de Caillebotte, peintre, mécène et grand
collectionneur d’œuvres impressionnistes, permettra de réaliser la 3ème exposition en
1877.
Ce n’est d’ailleurs qu’à partir de cette exposition que les peintres ont accepté de s’appeler
« impressionnistes ».
Cinq autres manifestations collectives suivront jusqu’en 1886.
Caillebotte, décédé le 21 février 1894, lègue à l’État la totalité de sa collection,
comprenant soixante-sept peintures de Degas, Cézanne, Manet, Monet, Renoir, Pissarro
et Sisley.
Il y aura un débat au parlement pour décider quels tableaux présenter et ce n’est que plus
de 20 ans après le legs que les œuvres entreront dans les musées nationaux.
Les impressionnistes n’étaient pas encore vraiment appréciés.
Aujourd’hui les œuvres impressionnistes font la fierté des plus grands musées mondiaux
et de grandes collections privées.
Ayons une pensée pour les 3500 visiteurs qui ont permis en 1874 à ce mouvement
artistique majeur du 19ème siècle d’émerger.